Vol de reprise après une dizaine de jours d'arrêt (oui les vacances se sont bien passées, c'est gentil de demander...), au programme un aller-retour Bordeaux. Je prends mon café-METAR du petit matin:
LSGG 04/0250 (...) 030/18G28 FEW020 SCT030 BKN045
LFBD 04/0230 (...) 350/16 FEW033 BKN060
Bon... Ca achève de me réveiller, surtout que les TAF prévoient des rafales à 45 Kts à Genève. Connaissant la finale 05, on s'attend déjà à se faire secouer au retour. Allez c'est parti!
Au briefing, mon CdB m'assigne le vol aller.
Moi: Heu, si ça ne t'ennuie pas trop, je rentre de vacances je préfèrerais me remettre un peu dans le bain... Je pourrais faire le retour plutôt?
Lui: Heu, mais y'a du vent au retour
Moi: T'as pas confiance? :) (Grand sourire faussement provocateur)
Bref il cède sans que j'ai à insister plus que ça. 'Pas intérêt à jouer les Fangio moi...
C'est quand même marrant. On a beau commencer à avoir une certaine expérience sur l'avion, il vous suffit de dix jours d'arrêt pour que les automatismes soient beaucoup moins automatiques. Et vas-y que j'oublie de mettre l'auto-brake après la mise en route, et vas-y que j'annonce juste avant le décollage "Cabin crew, prepare for landi... Take-off", tout ça... Bon au moins on en rigole, c'est déjà ça.
Décollage en 05 Full patate power histoire de laisser le sol derrière nous le plus rapidement possible, et on grimpe... Vite, très vite. Les actions s'enchaînent, les turbulences se calment, tout va bien. Cette fois ci on est partis!
La croisière est ponctuée de demandes de reports de turbulence par quasiment tous les avions. On y apprend que tous les niveaux sont touchés au dessus du FL290, mais qu'a priori on devrait être plus tranquilles au dessus du FL330 (non parcequ'au 300 là, on se fait secouer sévère. Enfin, modérément si on applique la définition aéro, mais ça fait un peu léger à l'écrit). Demande du FL340 acceptée, et on sort enfin de la couche, à peu près au calme. On prend même le risque de détacher nos passagers, c'est dire...
3000 Pieds en vent arrière 05 à Bordeaux
"Baboo 235 would you accept a visual approach?"
On se regarde et on se rappelle que le contrôleur ne voit pas ce qu'on voit...
"Negative we are IMC"
"Roger descend 2000 Ft then and proceed standard arrival"
Bon on sait que 100 pieds plus bas ça va le faire vu l'épaisseur de la couche.
"Baboo 235 able visual approach"
Ptit tour de piste tranquille en Embraer 190 un matin de mai, on se fait plaisir comme on peut... Bon jusque là c'est facile, mais dans les derniers 1500 pieds ça se corse puisque le vent a forci et est maintenant quasiment plein travers pour une grosse vingtaine de noeuds. Rien de méchant mais il faut se battre pour maintenir les éléments. Et cette saleté d'automanette qui surcorrige... Hop A/T OFF ça devient plus joli à regarder.
Boudoum la roue gauche, boudoum la roue droite, on vacate rapidly à la demande de la contrôleuse, y'a un ERJ de Régio qui se pointe derrière.
On arrive au parking, "Au revoir Monsieur, au revoir Madame", bon on le prend ce ptit dèj'? Le coordo nous apporte la météo, le vent à Genève a forci, on s'y attendait. "On embarque dans 10 minutes?"
Quelques minutes avant l'embarquement on se rasseoit au poste pour briefer. Au moment où je m'asseois, ptit message de rien du tout à l'EICAS "SPDA Fault". Boooooooon. Déjà on arrête tout, l'embarquement qui allait commencer, tout ça... SPDA kezako? La série E-Jet est plutôt pas mal foutue, avec des ordinateurs de partout dans les soutes électroniques. On a notamment un module, le SPDA donc, qui gère la distribution électrique dans l'avion. Facile quand on connaît l'acronyme: Secondary Power Distribution Assembly. Bref y'a un 'blème avec la boîte qui balance le courant dans les tuyaux, ça suit derrière? Il dit quoi le bouquin des "Ground resets"? (Oui dans un avion électronique c'est comme avec un bon vieux PC, il suffit souvent de redémarrer. Je prédis la fortune à celui qui mettra des Mac's dans un avion) Bin, de faire un reset complet, justement:
Coupez tout, attendez 5 minutes et redémarrez.
(Traduction approximative et un peu raccourcie dudit bouquin)
Bon ben on coupe alors... J'en profite pour raconter à mon CdB la blague de l'acronyme EMBRAER (Every Mechanical Breakdown Requires An Electrical Reset).
Cinq minutes plus tard, le coordo pousse un soupir de soulagement, le message a disparu. Intérieurement je suis un peu déçu quand même, j'aime bien Bordeaux, je serais bien resté un peu. Mais on a un métier merde!
Repoussage à l'heure, on se casse, cette fois c'est moi qui joue. Pendant le roulage je vois un Beech 36 qui décolle et qui se bat méchamment dans la turbulence. Bon courage les gars.
Une fois alignés, je récupère les commandes et on y va, full patate power again, y'a pas de raison! Tout aussi vite qu'à l'aller, on égrenne les actions et les checklists au rythme infernal du vario. Ça fait un peu plaisir, quand même!
Début de descente vers Genève. On a attaché les passagers en avance, les hôtesses sont sanglées sur leur jumpseat, cramponne yourself (© JD)!
"Baboo 236 expect NON straight-in approach"
Ha? On fait tout le tour alors? Bin zut alors... 'faut dire, y'a le salon EBACE à Genève et nos écrans sont constellés de plots TCAS. Donc on prend un ticket et on se met dans la file, comme tout le monde.
Quinze minutes plus tard, on y arrive. 20 Nm en finale 05, 160 Kts on se fait secouer comme un petit pois dans le sifflet d'un flic (oui, j'aime bien les expressions de Darolles, j'y peux rien...). La vitesse qui fait un peu ce qu'elle veut, le PA qui tente tant bien que mal de tenir l'ILS. Ce qui est bien au moins (sic), c'est qu'à 160 Kts jusqu'à 4Nm (demande standard de l'ATC ici) ça dure longtemps... Bon y'en a marre, AP OFF, A/T OFF, j'vais vous stabiliser tout ça moi! (là le PA se marre, parceque comme tout bon PA il sait mieux faire que moi)
1000 pieds, je me bats comme un damné, du coin de l'oeil je vois le manche côté CdB qui fait une mayonnaise pas croyable.
"Thirty, twenty, ten"
Pas d'arrondi, on a pris 20Kts d'incrément de vitesse (le maxi sur E-Jet), l'avion floooooootte. "Pose toi bordel!" (Non ça ne vient pas du côté CdB, c'est juste moi). Là, évidemment, le kiss... "j'te jure j'l'ai pas fait exprès" (surtout que généralement par CAVOK et vent calme je me vautre lamentablement).
En sortant du poste pour aller saluer nos passagers, j'ai quand même droit à une franche poignée de main de mon CdB qui me félicite. C'est peu de choses mais ça fait plaisir quand on s'est battu comme ça. Et puis quelque part j'ai un peu gagné sa confiance aujourd'hui...
J'adore! Super vol, on le vit bien avec toi!
RépondreSupprimerPour quelqu'un qui revient de vacances, tu as l'air d'avoir gardé quelques bases de vol quand même... :)
Bons vols à toi.
Damien.
Tu avais l'autobrake au maximum sur cet attéro ? J'ai entendu dire que sur certaines machines (ATR en particuliers) autobrake à bloc donne la sensation de se prendre à mur au toucher....
RépondreSupprimerEt sur l'Embraer ?
Pas besoin d'autobrake HI à Genève, LO ou MED suffit largement. Ca reste tout à fait supportable même en HI, c'est plutôt bien fait...
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