vendredi 17 septembre 2010

C'est bon d'avoir du gras...

Le mois de juillet c'est toujours un peu difficile dans les cockpits... La plupart du temps quand on étudie un dossier météo il est constellé de TEMPO TSRA (Thunderstorm Rain) qui font qu'on a de fortes chances de se faire secouer sévère et/ou d'avoir à passer des heures à contourner des monstromulus balisant notre route. Bref c'est moyennement agréable...
Nous étions fin juillet, on partait à Bucarest (oui encore, j'ai passé mon mois de juillet entre Genève et Bucarest... En août c'était Athènes, en Septembre c'est Rome. Les aléas du planning...). Le matin au briefing, comme tous les matins depuis le début du mois on a regardé perplexes le PROB40 TEMPO TSRA du TAF de Bucarest. Là bas, le premier dégagement c'est Bucarest Baneasa, le deuxième aéroport de la ville, distant de 20Nm environ. Il va de soi qui si ça chie à Otopeni, ça chiera aussi à Baneasa. Nous prenons donc le pétrole pour le deuxième dégagement, Timisoara située à 220Nm de Bucarest, plus la louche qui va bien histoire de pouvoir réfléchir un peu avant de fuir en cas de pépin sur place.

Quelques heures plus tard je montre à Guillaume, le CdB, l'ATIS que je viens de copier. Les orages sont bien là, confirmant l'image que l'on voit sur le radar météo. A Bucarest il y a un doublet de pistes 08/26 (orientées sensiblement est/ouest donc). Il y a un cumulonimbus énorme qui s'approche du terrain par le nord, il apparaît bien magenta au radar (la pire couleur donc).
L'approche nous assigne l'ILS 08L, le plus au nord. Négatif madame, nous on préfère la 08R histoire de s'éloigner un peu! Il faut dire, ça fait un quart d'heure qu'on s'échine à éviter d'autres cellules, c'est pas pour aller se coller dans un orage en finale... Notre demande insistante est acceptée et on prend un cap d'interception, en descente vers 2500 pieds, le plancher de la procédure.
Bon... On est à 2500 pieds, alignés sur le localizer, sous la base des nuages. Dans nos 11 heures le ciel est noir. Je demande au contrôleur la situation sur le terrain, il nous répond qu'il commence à pleuvoir mais que l'orage est toujours au nord, et qu'il progresse rapidement. Boooooon... Au radar la tâche magenta arrive au niveau du terrain. On commence à se faire légèrement turbuler. Sur le PFD, la speed trend commence à s'affoler un peu. BAM! Là ça secoue sévère, les écrans deviennent flous, la vitesse fait un peu ce qu'elle veut... Et on n'est pas encore sous le nuage! On se dit qu'on n'est pas dans une situation d'avenir, impossible de tenir les éléments en finale, et en cas de remise de gaz ça nous amènerait directement au coeur du nuage. Autant dire NO WAY!!! Après quelques secondes de good vibrations, Guillaume annonce "On dégage au sud". Hop, on reprend l'avion en cap, on tourne vers le sud il fait beau là bas. On rentre les quelques traînées qu'on avait sorties et on demande à monter un peu pour réfléchir.

On s'éloigne d'une quinzaine de nautiques en montant vers 5000 pieds. On fait quoi maintenant? On a pris combien de pétrole sup? 1t2? Ca nous laisse 40 minutes pour attendre à peu près tranquillement avant de devoir partir à Timisoara, potentialité peu plaisante pour nous et nos clients. Il se passe quoi sur le terrain? "Heavy thunderstorm and rain" qu'il nous répond le contrôleur. On a bien fait de se barrer... On entend les ATR de TAROM qui dégagent les uns après les autres, eux ont probablement moins de marge pour attendre. De notre côté on attend sur un axe du VOR local en se faisant des branches de 15Nm, inutile de faire des hippodromes riquiquis où on tournerait tout le temps, il n'y a personne dans notre coin. A chaque fois qu'on se retourne vers le terrain, on pointe la position du nuage par rapport à l'ILS. Il passe doucement, puis commence à s'éloigner vers la ville. Au bout de 25 minutes on se dit qu'on va pouvoir y aller, rapidos de préférence. On reprend un cap d'interception, on descend, on configure l'avion, nous revoilà en finale. Devant nous, un aéroport détrempé qui brille au soleil. On se pose, pas une turbulence en finale.

Au bloc avec 30 minutes de retard, on trouve même des passagers pour s'en plaindre. Ca nous fait un peu rigoler en fait, on a fait notre boulot exactement comme on aurait voulu qu'un autre le fasse si on avait été client: on a anticipé la situation dès le briefing, on a pris de la marge, on a fui les mauvaises conditions quand on a pensé qu'elles étaient trop limites, on s'est posés avec encore de quoi remettre les gaz en toute sécurité, retenter une approche et éventuellement dégager vers un autre terrain. Bref on les a emmenés à bon port en toute sécurité et dans un délai raisonnable. J'aime bien...

3 commentaires:

  1. Très intéressant ce billet, merci !

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  2. Merci de vos récits de vol.

    Z'avez bien de la chance dans votre plus beau bureau du monde
    Pietaterre.

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  3. Les plaintes des clients mécontents, je les prendrais comme un compliment: ça prouve que vous avez très bien fait votre boulot, ils ne sont pas rendu compte de la situation et du risque potentiel si vous aviez absolument tenu à arriver à l'heure.
    Bons vols!

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